dimanche 17 octobre 2010

Les Ambassades Levantines - Deuxième Partie

Toujours rien sur la Pâtisserie des Ambassades, désolé !

En parallèle avec mes préparatifs pour mon entrée au Liban, je dois m'occuper de mon visa pour la Syrie.

Le quidam que je suis a commencé par se renseigner directement sur les sites des ambassades syriennes (en France et en Allemagne), vraiment mal fichus, mais tout en musique. Et quelle musique ! Premier bon signe : le site de l'ambassade syrienne à Paris nous avise de sa fermeture le mardi 6 octobre 2009. Oui, c'est bien cela, 2009. Ah merci, nous en prenons bonne note. Deuxième bon signe : les sites des ambassades de Syrie détaillent les formalités pour l'obtention du visa et indiquent, unanimes, qu'il coûte 23 €. J'activerai ici un lien après mon voyage ; rien ne sert de m'attirer le courroux des autorités syriennes juste avant d'aller me jeter dans la gueule du loup. Cependant, j'ai eu la présence d'esprit de ne pas faire la demande de visa par courrier (la procédure recommandée), mais d'appeler l'ambassade et de m'y rendre en personne. Au téléphone, le fonctionnaire, plutôt avare d'informations, m'explique après que je lui ai bien tiré les vers du nez, les divers papiers à fournir, puis m'annonce que cela va coûter 60 €. "Soixante euros ? m'exclamé-je. Mais enfin Monsieur, sur tous les sites internet et guides touristiques, et même sur le site de l'ambassade, on dit que c'est vingt-trois euros pour les citoyens français ! C'est vrai cher Monsieur, mais c'est ainsi : on a changé le prix ce mois-ci. À un mois près vous auriez encore eu votre visa à vingt-trois euros !" J'ai rappelé l'ambassade deux jours plus tard et je me suis fait reconfirmer la liste de documents à fournir ainsi que le montant à apporter en espèces : 60€.

Pour voir cette page et écouter l'hymne national, allez sur www.amb-syr.fr
(J'activerai le lien après mon voyage... pas fou non plus)

D'accord, on a changé le prix du visa. Ce sont des choses qui arrivent tout le temps. Mais croyez-vous qu'ils auraient la présence d'esprit de mettre à jour cette information sur les sites internet des ambassades ? Oh que non. J'imagine la bonne surprise qui attend toutes les personnes qui, n'ayant pas la chance d'habiter dans une capitale ou de pouvoir se rendre à l'ambassade à leurs horaires fantaisistes, se fient avec candeur aux informations fournies par le site internet officiel, font toutes les démarches par courrier et attendent patiemment et sereinement le traitement de leur demande pendant un délai de trois semaines. Les pauvres.

Mais ça c'était avant que je me rende à l'ambassade. Une fois sur place, les choses ont atteint une nouvelle dimension du surréalisme. C'est un vendredi matin d'automne, froid et gris. Un portrait sévère du président Bachar El-Assad domine la pièce et impose le respect, ou presque, enfin, si l'on veut. J'arrive en possession de tous mes documents et de 60€ en espèces. Lorsque mon tour arrive, un fonctionnaire examine mes documents les uns après les autres, et conclut, laconique :

"Il manque le récépissé du virement bancaire.
- Oui mais je peux régler en espèces n'est-ce pas ?
- Non, désolé.
- Mais j'ai appelé l'ambassade deux fois et à chaque fois vos collègues m'ont dit que je pouvais...
- Ils se sont trompés, me répond le préposé, d'un air agacé. Vous devez aller à la banque et faire un virement sur ce compte. Seize euros."

Sur ce, il sort de son tiroir un RIB de l'ambassade sur lequel il écrit "16€". Je ne peux que m'incliner.

"Où est la Bank XX la plus proche ?
- À l'Europa Center, sur Ku'damm. Allez-y, faites le virement et revenez avec le récépissé de l'opération."

L'ambassade de la République Arabe Syrienne

Pendant le quart d'heure de marche sous la pluie vers l'agence bancaire, une grande perplexité m'envahit. Pourquoi chaque fonctionnaire de cette fichue ambassade contredit le précédent ? C'est quoi maintenant cette histoire de seize euros ? C'est une bonne surprise de devoir payer quatre fois moins que prévu, mais je n'ose pas encore m'en réjouir. Au bout d'une demi-heure, je suis de retour, trempé jusqu'aux os mais muni du précieux document, la copie carbone de l'attestation de virement avec le tampon de la banque. Je dois attendre mon tour à nouveau. Las ! À peine le cerbère a-t-il regardé mon attestation officielle qu'il m'annonce, d'un air mauvais :

"Je ne vois pas notre numéro de compte sur votre document. Ça ne va pas du tout.
- Pardon ?
- Notre numéro de compte. Il n'apparaît pas sur votre attestation. Comment pouvons-nous être sûrs que nous recevrons l'argent ?
- Mais, mais... l'employée de banque connaît son boulot ! Elle n'a pas pu faire un virement sans noter vers quel compte ! Enfin...
- Il n'y a rien à faire. Votre document ne vaut rien. Pour autant que je sache, vous n'avez pas fait le virement, scrogneugneu !" conclut-il, borné.

Et pour souligner le fond de sa pensée, il me gratifie d'un regard lourd de sous-entendus : "Mais quel demeuré celui-là, c'en serait presque triste s'il ne me faisait pas perdre mon temps" ou quelque joyeuseté de ce genre.

"Je dois retourner à la banque ?
- Je ne vois pas d'autre solution. Enfin, si, il y en a bien une : vous revenez un autre jour après avoir fait le virement et muni d'une confirmation. Par ailleurs, nous fermons dans dix minutes, à midi."

Il savoure ma défaite avec avec un plaisir sadique. Dehors, il pleut et il vente si fort qu'on s'entend à peine. Mon visage se décompose.

"J'ai pris un jour de congé exprès. Il n'y a rien d'autre à faire ? Ce n'est pas ma faute si l'employée n'a pas bien fait apparaître le numéro de compte.
- Écoutez, faites vite. Je suis là jusqu'à 14h30.
- Merci beaucoup !"

Sur le parcours entre l'ambassade et la banque je pouvais...

... admirer quelques œuvres d'art intéressantes...

... ou me mirer dans les eaux noires du Landwehrkanal
Je retourne à la banque, soulagé d'avoir suscité une manifestation d'humanité chez le préposé, et surtout d'avoir conservé une chance de tout régler en une seule fois. À la banque, l'employée n'en croit pas ses oreilles mais elle me refait gentiment une copie en veillant bien à ce que toutes les informations soient bien visibles cette fois. Retour à l'ambassade, au bout d'une demi-heure, trempé, grelottant, exaspéré. Il n'y a plus personne à part moi puisque le service consulaire est maintenant fermé au public. Maléfik El-Sadiq me reçoit donc immédiatement (il aurait pu me faire attendre encore un peu mais apparemment c'est son jour de bonté) :

"Voilà, tout est en ordre maintenant. Vous pouvez venir récupérer le visa à partir de mercredi.
- On m'a dit que je pouvais fournir une enveloppe timbrée et me faire envoyer le visa par la poste. J'ai tout ce qu'il faut.
- Vous habitez Berlin ?
- Oui.
- Alors on ne vous enverra pas le visa par courrier. Venez le récupérer mercredi entre 14 et 15 heures ou à partir de jeudi, chaque matin entre 9h et midi."

Satisfait, il ferme, d'un air final, le dossier contenant tout mes documents et mon passeport. Tant d'amabilité, de gentillesse, et de chaleur méditerranéenne réunies chez une seule personne, c'en est émouvant. Tant de cohérence au sein d'une administration officielle, c'est à peine croyable. Je m'en vais, queue basse, sous une pluie battante. En refermant la porte, je vois ce cher El-Sadiq faire un clin d'œil narquois au portrait du président El-Assad. Le portrait lui rend son clin d'œil diabolique.


Archivo:Syria.BasharAlAssad.jpg

Leçon retenue : éviter comme la peste les dépositaires de "l'ordre" (vaste programme) dans ce pays. Pourvu que je n'aie jamais à me frotter à eux, sur place. Et pourvu qu'on me rende mon passeport et me donne mon visa cette semaine sans faire d'histoires. Mais je ne serais qu'à moitié étonné si on m'apprenait que le prix du visa a encore changé et que tout est à recommencer.

Je comptais me rendre aux services consulaires du Liban aussi pour obtenir le visa par avance et ne pas dépendre des aléas pouvant survenir à mon arrivée à Beyrouth, mais je crois que j'ai eu mon compte d'ambassades cette semaine !

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