samedi 9 octobre 2010

Au Pays des Poètes, des Penseurs et des Politiciens sans Pudeur – Chapitre I

Chaque pays aime se définir d'une façon caractéristique, qu'elle soit historique, géographique, culturelle ou poétique, qui en fait un endroit unique et le distingue des autres pays. En France, c'est souvent avec un peu de fierté, ou parfois d'ironie, que l'expression "le pays des droits de l'Homme" est employée, même si très peu d'étrangers désignent la France sous ce vocable. Cependant, comme pour tout, quand on cherche bien, on trouve. D'autres expressions plutôt flatteuses pour les chevilles nationales incluent la Fille aînée de l'Église, la Doulce France, etc. Avec un peu de recherche, on peut trouver sur internet de chouettes compilations de périphrases désignant les pays, avec des exemples assez intéressants, et à ne pas toujours prendre au pied de la lettre, comme The Rainbow Nation, locution popularisée par Mgr Desmond Tutu pour désigner l'Afrique du Sud multiraciale et multiculturelle, l'Île d'Émeraude pour l'Irlande ou le très surprenant God's Own Country par lequel les Néo-Zélandais décomplexés désignent le territoire dont ils ont spolié les Maoris (qui eux, nommaient plus sobrement leur terre le Pays au long Nuage blanc), et bien d'autres exemples encore, tantôt plats, tantôt étranges, intéressants ou drôles.

De nombreux pays sont si petits qu'ils ne figurent sur aucun listing de ce genre sur internet, mais ils existent bien et leurs surnoms aussi ! Ainsi, au cœur des Caraïbes, la Dominique est connue d'elle-même et des îles environnantes comme l'Île aux 365 Rivières, tandis que la Martinique voisine s'identifie comme l'Île aux Fleurs, la Guadeloupe, l'Île aux Belles Eaux, chacune étant pour l'autre "l'île sœur". Parmi les nombreux pays trop obscurs et insignifiants pour être mentionnés sur ces compilations généralistes sur internet, la patrie de Kant, de Hegel, de Goethe, de Heine et de beaucoup d'autres, n'est pas en reste, et se flatte d'être "das Land der Dichter und Denker", le Pays des poètes et des penseurs, rien de moins. Et il suffit de passer un peu de temps en Allemagne pour se rendre compte qu'il y a bien un fond de vérité à cette gloire autoproclamée, surtout si l'on veut bien comprendre les concepts de poésie et de pensée dans leur sens le plus large.


Alors que je regardais récemment les photos enregistrées dans mon téléphone, je suis tombé sur quelques spécimens intéressants. Comme celui-ci :



"Mit Arsch in der Hose in den Bundestag"

Ceci est une affiche, vue dans une rue de Berlin, en octobre 2009, il y a un an. OK, kein Problem, rien qu'une affiche en somme. Sauf que c'est une affiche électorale. Quelques jours plus tôt, l'Allemagne avait voté pour renouveler son parlement fédéral. Et Halina Wawzyniak, comme le laisse penser l'affiche, était la candidate du parti Die Linke, "La Gauche", dans la circonscription berlinoise de Friedrichshain-Kreuzberg-Prenzlauer Berg Ost. Et cette affiche, on la voyait dans toute le secteur, par centaines. Mais pas une seule montrait le visage de cette candidate ! Juste son dos, son t-shirt relevé laissant voir son tatouage (temporaire, précise un article que je ne parviens pas à retrouver) qui dit "Socialist", son jean Lidl à 13,99 € et, euh, le derrière de cette candidate. Et que dit le message alors ? Mot à mot, "Vers le Bundestag avec le cul (Arsch) dans le pantalon", ce qu'on pourrait traduire par "Votre candidate pour le Bundestag en a dans le pantalon", pour conserver un peu du sens initial du slogan... C'est beau comme un poème, un poème de rébellion anticapitaliste, qui se déclame, le dos tourné à son public, le poing droit levé (ou juste le majeur peut-être), juste avant d'entonner L'Internationale à en secouer le Fernsehturm. Mais en matière poétique, cette pauvre Halina n'a malheureusement rien inventé. En effet, la poésie a fait tomber les derniers tabous autour du postérieur bien avant qu'elle ne soit de ce monde, par exemple dès le XVIIème siècle avec ce très galant Sonnet sur le Cul d'une demoiselle d'un certain Robert Angot, sieur de L'Éperonnière, bien injustement retombé dans l'oubli :


Beau cul de marbre vif, dont l'amour fait sa gloire,
Cul dont le doux regard sont d'attraits embellis,
Cul qui par sur tout autre obliges mes écrits,
De sacrer vos honneurs au temple de Mémoire ;

Cul qui sur tous les culs remportes la victoire,
Cul qui passe en blancheur et la Rose et les Lis,
Cul de qui le mérite obliges mes écrits,
De sacrer vos honneurs au temple de Mémoires,

Beau cul, bien que tant de bonheur se marque assez en vous,
Ce n'est pas le sujet qui fait qu'aux yeux de tous,
J'étale en ces écrits vos beautés que j'admire,

Mais surtout, je vous aime ô beau cul tout divin
Pour être le plus proche et l'unique voisin
De ce doux Paradis où l'Amour se retire !


Ces cochons de poètes français ne se sont pas arrêtés en si bon chemin, mais je m'en tiendrai là et éviterai d'étaler sur ces pages la contribution notoire d'un certain Arthur R. et son comparse Paul V. Je crois que ma démonstration est suffisamment percutante ainsi : exhiber son fondement sur une affiche électorale pour créer le buzz, OK, c'est novateur, mais en matière de profondeur philosophique ou de création poétique, ce coup d'éclat ne pouvait que laisser sur leur faim les dignes héritiers d'une tradition intellectuelle et littéraire exceptionnellement riche. 

D'ailleurs, l'électorat traditionnellement bien ancré à gauche de cette circonscription (composée du quartier populaire ouest-berlinois de Kreuzberg, à forte population d'origine turque, et des quartiers est-berlinois de Friedrichshain et de Prenzlauer Berg) ne s'y est guère trompé et n'a pas voté comme un seul homme pour la candidate à la croupe mutine : ce sont les Verts du septuagénaire Hans-Christian Ströbele qui ont remporté l'élection, avec 47% des voix, creusant nettement l'écart avec les autres partis par rapport à l'élection précédente en 2005. Toutefois, concédons que les électeurs de Friedrichshain-Kreuzberg, indulgents, n'ont pas non plus administré une sévère déculottée à Halina Wawzyniak, puisque, bien qu'ils aient été un peu moins nombreux à voter pour Die Linke qu'en 2005, la candidate anticapitaliste est arrivée en deuxième position, avec 18% des suffrages, dépassant sur le fil le candidat d'un parti social-démocrate en pleine déconfiture. Comme quoi, elle a plus que limité la casse rien qu'en montrant ses fesses et son beau tatouage. Félicitations Madame W !


Et maintenant, il reste un dernier mystère à révéler : à quoi ressemblez-vous donc, Halina W ? Ne nous faites plus attendre : nous brûlons de voir enfin votre joli minois.



          


Ah d'accord. Tout de suite on comprend mieux...

Allez, ne boudons pas notre plaisir et accordons-nous juste une dernière affiche pour la route !
 
http://farm4.static.flickr.com/3447/3887108170_61c21c781e.jpg
Le derrière d'Halina W face à un vestige du mur de Berlin (East Side Gallery), à Friedrichshain


 À suivre...

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